L’œuvre de Michel Houellebecq
Romancier, essayiste, poète, considéré par de nombreux critiques comme l’écrivain français le plus marquant de notre époque, il est lu dans le monde entier depuis Extension du domaine de la lutte (1994). Aujourd'hui, il demeure toujours parmi les auteurs français contemporains les plus lus.
Les romans
dans l’ordre chronologique
Extension du domaine de la lutte (1994)
Voici l'odyssée désenchantée d'un informaticien entre deux âges, jouant son rôle en observant les mouvements humains et les banalités qui s'échangent autour des machines à café. L'installation d'un progiciel en province lui permettra d'étendre le champ de ses observations, d'anéantir les dernières illusions d'un collègue – obsédé malchanceux – et d'élaborer une théorie complète du libéralisme, qu'il soit économique ou sexuel.
Les particules élémentaires (1998)
Michel, chercheur en biologie rigoureusement déterministe, incapable d'aimer, gère le déclin de sa sexualité en se consacrant au travail, à son Monoprix et aux tranquillisants. Une année sabbatique donne à ses découvertes un tour qui bouleversera la face du monde. Bruno, de son côté, s'acharne en une quête désespérée du plaisir sexuel. Un séjour au Lieu du Changement, camping post-soixante-huitard tendance new age, changera-t-il sa vie ? Un soir, dans le jacuzzi, une inconnue à la bouche hardie lui fait entrevoir la possibilité pratique du bonheur. Par leur parcours familial et sentimental chaotique, les deux demi-frères illustrent de manière exemplaire le suicide occidental – à moins qu'ils n'annoncent l'imminence d'une mutation.
Plateforme (2001)
« Mon père est mort il y a un an. Je ne crois pas à cette théorie selon laquelle on devient réellement adulte à la mort de ses parents ; on ne devient jamais réellement adulte. Devant le cercueil du vieillard, des pensées déplaisantes me sont venues. Il avait profité de la vie, le vieux salaud ; il s’était démerdé comme un chef. “T’as eu des gosses, mon con… me dis-je avec entrain ; t’as fourré ta grosse bite dans la chatte à ma mère.” Enfin j’étais un peu tendu, c’est certain ; ce n’est pas tous les jours qu’on a des morts dans sa famille. J’avais refusé de voir le cadavre. J’ai quarante ans, j’ai déjà eu l’occasion de voir des cadavres ; maintenant, je préfère éviter. C’est ce qui m’a toujours retenu d’acheter un animal domestique. Je ne me suis pas marié, non plus. J’en ai eu l’occasion, plusieurs fois ; mais à chaque fois j’ai décliné. Pourtant, j’aime bien les femmes. C’est un peu un regret, dans ma vie, le célibat. C’est surtout gênant pour les vacances. Les gens se méfient des hommes seuls en vacances, à partir d’un certain âge : ils supposent chez eux beaucoup d’égoïsme et sans doute un peu de vice ; je ne peux pas leur donner tort. »
La possibilité d’une île (2005)
« Roman d’anticipation autant que de mise en garde, La possibilité d’une île est aussi une réflexion sur la puissance de l’amour. Vite vient l’envie de comparer sa propre lecture à celle des autres. S’il est des livres que l’on a envie de garder pour soi, il n’en est décidément rien avec ceuxde Houellebecq, comme s’ils offraient, à chaque fois, la possibilité d’une confrontation. »
Franck Nouchi, Le Monde
« Ce roman vous ébranle profondément. C’est la force visionnaire d’un Aldous Huxley et la cruauté d’un Evelyn Waugh. Un taureau enragé dans le magasin de porcelaine de la fiction contemporaine. »
David Coward, Times Literary Supplement
« Michel Houellebecq fait là du grand art tant son écriture est honnête, précise, crue et vraie. Au-delà des thèses sur la fin des religions ou le rêve d’un Homme Nouveau, il s’agit surtout d’un livre sur la peur. »
Volker Weidermann, Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung
La carte et le territoire (2010)
Si Jed Martin, le personnage principal de ce roman, devait vous en raconter l’histoire, il commencerait peut-être par vous parler d’une panne de chauffe-eau, un certain 15 décembre. Ou de son père, architecte connu et engagé, avec qui il passa seul de nombreux réveillons de Noël. Il évoqueraitcertainement Olga, une très jolie Russe rencontrée au début de sa carrière, lors d’une première exposition de son travail photographique à partir de cartes routières Michelin. C’était avant que le succès mondial n’arrive avec la série des « métiers », ces portraits de personnalités de tous milieux (dont l’écrivain Michel Houellebecq), saisis dans l’exercice de leur profession. Il devrait dire aussi comment il aida le commissaire Jasselin à élucider une atroce affaire criminelle, dont la terrifiante mise en scène marqua durablement les équipes de police. Sur la fin de sa vie il accédera à une certaine sérénité, et n’émettra plus que des murmures. L’art, l’argent, l’amour, le rapport au père, la mort, le travail, la France devenue un paradis touristique sont quelques-uns des thèmes de ce roman, résolument classique et ouvertement moderne.
Soumission (2015)
Dans une France assez proche de la nôtre, un homme s’engage dans la carrière universitaire. Peu motivé par l’enseignement, il s’attend à une vie ennuyeuse mais calme, protégée des grands drames historiques. Cependant les forces en jeu dans le pays ont fissuré le système politique jusqu’à provoquer son effondrement. Cette implosion sans soubresauts, sans vraie révolution, se développe comme un mauvais rêve. Le talent de l’auteur, sa force visionnaire nous entraînent sur un terrain ambigu et glissant ; son regard sur notre civilisation vieillissante fait coexister dans ce roman les intuitions poétiques, les effets comiques, une mélancolie fataliste. Ce livre est une saisissante fable politique et morale.
Sérotonine (2019)
« Mes croyances sont limitées, mais elles sont violentes. Je crois à la possibilité du royaume restreint. Je crois à l’amour » écrivait récemment Michel Houellebecq. Le narrateur de Sérotonine approuverait sans réserve. Son récit traverse une France qui piétine ses traditions, banalise ses villes, détruit ses campagnes au bord de la révolte. Il raconte sa vie d’ingénieur agronome, son amitié pour un aristocrate agriculteur (un inoubliable personnage de roman – son double inversé), l’échec des idéaux de leur jeunesse, l’espoir peut-être insensé de retrouver une femme perdue. Ce roman sur les ravages d’un monde sans bonté, sans solidarité, aux mutations devenues incontrôlables, est aussi un roman sur le remords et le regret.
Anéantir (2022)
Paul Raison, principal protagoniste d’Anéantir, le nouveau roman de Michel Houellebecq (Flammarion), achète Le Lambeau avant d’entrer à l’hôpital pour effectuer une chimiothérapie, lourde et sans grand espoir. Il a un cancer de la mâchoire et de la langue. Un chirurgien lui a conseillé cette lecture. Quelle n’a pas été ma surprise de tomber sur mon livre dans la dernière partie de celui de Houellebecq. Sur le moment, j’ai éprouvé une sensation bizarre. La présence du Lambeau dans une fiction retirait-elle de la réalité à ce que j’avais vécu, ou en ajoutait-elle à ce que lui, Houellebecq, avait imaginé ? Je flottais. Mais, déjà, le roman me conduisait ailleurs, vers sa fin si bleue, si calme, et mon livre, comme tant de choses dans cette histoire, s’était éloigné.
Les recueils de poésie
dans l’ordre chronologique
La poursuite du bohneur (1992)
« Il y aura des lettres écrites et déchirées
Des occasions perdues des amis fatigués
Des voyages inutiles des déplacements vides
Des heures sans bouger sous un soleil torride,
Il y aura la peur qui me suit sans parler. »
Tutoyant avec aisance, à rebours des modes, une forme classique très maîtrisée, Michel Houellebecq met en scène dans ses poèmes un quotidien contemporain et urbain. Ses vers nous parlent de lui, nous parlent de nous et accèdent à l’universel, installant ainsi leur auteur, comme un Villon de la modernité, au rang des grands poètes populaires.
Le sens du combat (1996)
La conséquence logique de l'individualisme c'est le meurtre, et le malheur ; il est donc légitime de commencer par déblayer les sources d'optimisme creux. En revenant à une analyse plus philosophique des choses, on se rend compte que la situation est encore plus étrange qu'on le croyait. Nous avançons vers le désastre, guidés par une image fausse du monde ; c'est un cauchemar dont nous finirons par nous éveiller. Nous n'échapperons pas à une redéfinition des conditions de la connaissance, de la notion même de la réalité ; il faudrait dès maintenant en prendre conscience sur un plan affectif. Tant que nous demeurerons dans une vision mécaniste et individualiste du monde, nous mourrons. Cela fait cinq siècles que l'idée du moi occupe le terrain ; il est temps de bifurquer.
Renaissance (1999)
Quelle que soit la quantité de mensonges, de faux souvenirs et de rêves dont on s'entoure au long d'une vie, c'est toujours le même corps qu'on retrouve, au matin, dans l'éprouvante expérience du réveil ; le corps est sans miracle. Quelles que soient les discontinuités, les absurdités, les ruptures qu'on essaie d'introduire dans un roman, le lecteur parvient toujours à reconstituer une histoire ; son expérience de la vie humaine est sans limite. En ce qui concerne la poésie, la situation est moins claire.
Configuration du dernier rivage (2013)
« Au temps des premiers acacias
Un soleil froid, presque livide
Éclairait faiblement Madrid
Lorsque ma vie se dissocia. »
Configuration du dernier rivage est composé d’une centaine de poèmes, recueillis en cinq parties.
Les essais
dans l’ordre chronologique
H.P. Lovecraft — Contre le monde, contre la vie (1991)
« Howard Phillips Lovecraft constitue un exemple pour tous ceux qui souhaitent apprendre à rater leur vie, et éventuellement, à réussir leur oeuvre. Encore que, sur ce dernier point, le résultat ne soit pas garanti. »
Auteur de L'appel de Cthulhu, de Dagon et des Montagnes hallucinées, H.P. Lovecraft, maître incontesté de l'horreur et du fantastique, reste l'objet d'une fascination toute particulière chez nos contemporains, particulièrement chez Michel Houellebecq, qui le découvrit à l'âge de seize ans pour ne plus cesser de le lire. Dans ce bref essai, l'auteur retrace un itinéraire hors du commun et nous livre les prémisses de son univers désenchanté qui a fait le succès des Particules élémentaires.
Rester vivant & autres textes (1991)
« Aller jusqu'au fond du gouffre de l'absence d'amour. Cultiver la haine de soi. Haine de soi, mépris des autres. Haine des autres, mépris de soi. Tout mélanger. Faire la synthèse. Dans le tumulte de la vie, être toujours perdant. L'univers comme une discothèque. Accumuler des frustrations en grand nombre. Apprendre à devenir poète, c'est désapprendre à vivre. »
Toute démarche poétique consiste à retrouver et à exalter la souffrance originelle enfouie au fond de chacun de nous. Rester vivant. Sans craindre les espaces déserts d'une solitude assumée ni les vérités scandaleuses qui jaillissent d'un regard impartial sur le monde.
Méthode de survie au milieu des pensées molles et des contorsions théoriques actuelles, ce texte, suivi ici d'articles parus dans la presse, possède la force et la précision d'un projectile.
Ennemis publics (2008)
Tout, comme on dit, nous sépare – à l'exception d'un point, fondamental : nous sommes l'un comme l'autre des individus assez méprisables. J'ai eu un père mélancolique et puissant, silencieux et guerrier, joueur d'échecs, insondable, lucide et incrédule, solitaire et souverain. Un granddirigeant d'entreprise, le souvenir que j'en ai, est celui qui sait dire « Salade pour tout le monde ! » au bon moment. Il n'est pas impossible que vous ayez déjà mis de votre côté les rieurs, les sourieurs, les qui ont de l'humour alors que, moi, c'est bien connu, je n'en ai aucun. Il est possible au fond que le fait de ne pas avoir eu de mère vous renforce, mais alors c'est d'une manière qu'on ne souhaiterait à personne. Je revois Aragon, poussant la porte du bar, haute silhouette, chapeau à larges bords, cape marocaine sur un costume de lin gris, très élégant, qui lui donnait, huit ans après la mort d'Elsa, le même air de deuil inconsolé. À certaines personnes, peut-être, il est arrivé de faire l'amour dans un état de pleine lucidité ; je ne les envie pas. Tout ce que je suis, moi, arrivé à faire dans un état de pleine lucidité, ce sont mes comptes ; ou ma valise. Je peux faire toutes les mises au point possibles et imaginables : je ne ferai qu'aggraver mon cas de salaud de bourgeois qui ne connaît rien à la question sociale et qui ne s'intéresse aux damnés de la terre que pour mieux faire sa publicité.
Interventions (2020)
« 55 % de ce volume figurait déjà dans la deuxième édition d’Interventions, parue en 2009. Cette troisième édition comporte donc 45 % de nouveaux textes.
Bien que je ne souhaite pas être un artiste engagé, je me suis efforcé dans ces textes de persuader mes lecteurs de la validité demes points de vue, sur le plan politique rarement, sur différents sujets de société le plus souvent, sur le plan littéraire de temps à autre.
Il n’y aura pas de quatrième édition. Je ne promets pas absolument de cesser de penser, mais au moins de cesser de communiquer mes pensées et mes opinions au public, hors cas d’urgence morale grave – par exemple une légalisation de l’euthanasie (je ne pense pas qu’il s’en présente d’autres, dans le temps qui me reste à vivre).
J’ai essayé de classer ces interventions par ordre chronologique, dans la mesure où je me souvenais des dates. L’existence au moins apparente du temps a toujours été pour moi un grand motif d’agacement ; mais l’habitude a été prise de voir les choses en ces termes. Pour cette fois, donc, j’y consens. »
Quelque mois dans ma vie (2023)
« Pour la première fois dans ma vie je me sentis traité, absolument, comme l’objet d’un documentaire animalier ; il m’est difficile d’oublier ce moment. »
Les inclassables
créations hybrides qui ne rentrent pas dans une catégorie littéraire spécifique
Le sens du combat (1996)
Le sens du combat est un album de poésie récitée de l'écrivain français Michel Houellebecq édité en 1996 par Radio France dans la collection « Les Poétiques » dirigée par André Velter et Claude Guerre. Les lectures de l'auteur sont accompagnées d'improvisations musicales de Jean-Jacques Birgé et d'improvisations vocales de Martine Viard. Les textes sont tirés du recueil éponyme Le Sens du combat paru la même année chez Flammarion.
Cet album a été réalisé à la suite d'une soirée poétique et radiophonique organisée par France Culture et le Centre national du livre. Il a été enregistré en public au Théâtre du Rond-Point et diffusé sur France Culture le 3 août 1996.
En 2007, avec Établissement d'un ciel d'alternance, Houellebecq collabore à nouveau avec Jean-Jacques Birgé.
Présence humaine (2000)
Cet album de 10 pistes propose une mise en musique de la poésie de Houellebecq par Bertrand Burgalat avec la contribution, sur certains titres, de Peter von Poehl et de Romain Humeau. Les arrangements sont inspirés du rock des années 1970. Présence humaine a donné lieu à une tournée durant l'été 2000 et l'album a été réédité l'année suivante.
Malgré un accueil assez confidentiel à sa sortie (Michel Houellebecq était déjà un auteur à succès après la parution de son second roman Les particules élémentaires mais était encore relativement peu connu du grand public, et n'était du reste pas du tout attendu dans ce registre), l'album est depuis devenu « culte » selon de nombreux critiques musicaux. En conséquence, celui-ci a fait l'objet d'une réédition collector le 10 juin 2016 avec deux titres inédits arrangés par Jean-Claude Vannier (Le Film du Dimanche et Novembre) et un livret 24 pages (photos exclusives, notes de pochettes de Michka Assayas et textes de Fernando Arrabal), et pour la première fois d'une édition vinyle 33 tours.
Lanzarote & autres textes (2000)
« Vous avez passé une bonne journée ? attaquai-je avec décontraction. J’ai supposé que vous aviez fait l’excursion pour Fuerteventura.
— C’est exact. » Il secoua la tête avec indécision avant de répondre : « C’était nul ; complètement nul. Aucun intérêt, vraiment. Et, maintenant,j’ai fait toutes les excursions proposées par l’hôtel.
— Vous restez une semaine ?
— Non, quinze jours », dit-il d’un ton accablé.
Effectivement, il était dans de beaux draps. Je lui proposai un cocktail.
Incisif et railleur, Michel Houellebecq relate dans ce recueil les affres d’un touriste, pauvre écorché des voyages organisés. De cette plume grinçante que nous lui connaissons, l’auteur nous livre sa vision, amère, de la fin d’un siècle.
La possibilité d’une île (2008)
Fils d'un gourou d'une secte dérisoire, Daniel1 fait des mots croisés en attendant que sa vie prenne un sens. Il traîne. Silencieusement. Indifférent finalement aux transports du monde actuel. A ses loisirs comme à ses peines. Daniel25 (vingt-quatrième descendant, par reproduction artificielle, de Daniel1) vit silencieusement dans une cellule souterraine, rivé sur les images satellite d'un monde extérieur désert, contaminé, dévasté par des guerres ethniques et religieuses qui ont conduites à des conflits nucléaires, des épidémies incontrôlables, et surtout, des catastrophes climatiques d'une ampleur inédite. Comment Daniel1 a-t-il rendu possible Daniel25 ? Peut-être en passant par une île, un territoire isolé sur lequel Daniel1 se posant enfin des questions sur l'avenir du monde, admet l'hypothèse scientifique et biologique d'une possible éternité humaine. Peut-être en étant le premier à accepter de disparaître au profit d'un autre lui-même, un mutant, un "surhomme". Un survivant à tout. Mais seul, quel est le sens de la survivance ?
La carte et le territoire (2022)
« Je vais écrire le catalogue de votre exposition » poursuivit Houellebecq. « Mais êtes-vous sûr que ce soit une bonne idée pour vous ? »
« Ainsi, Jed se lança dans une carrière artistique sans autre projet que celui – dont il n’appréhendait que rarement le caractère illusoire – de donner une description objective du monde. »